La vérification des faits commence bien avant l’écriture: elle s’enclenche dès le premier appel. On cartographie les affirmations clés, on identifie qui les porte, qui peut les contester et quels documents peuvent les étayer. Chaque affirmation doit être décomposable en éléments vérifiables: dates, lieux, montants, fonctions, citations exactes. La grille de départ ressemble à une fiche d’audit, avec colonnes “source”, “preuve”, “niveau de confiance”, “manque”. Cette préparation évite les angles morts et accélère la suite: on sait précisément ce qu’on cherche, où et dans quel ordre, en hiérarchisant les vérifications qui conditionnent toutes les autres.
Deuxième étape: l’horodatage et la chronologie. Les rumeurs prospèrent dans le flou temporel; il faut replacer les événements au bon moment, croiser météo, trafic, agendas publics, métadonnées des fichiers. Sur les contenus numériques, on récupère les EXIF, on interroge les archives web, on compare les versions d’une page. Troisième étape: la triangulation humaine. On confronte les témoins indépendants, on vérifie les compétences des experts, on demande des preuves primaires plutôt que des résumés. La cohérence interne d’un témoignage compte autant que sa notoriété: un détail plausible peut dissimuler un récit bancal.
Quatrième étape: les documents. On privilégie les sources primaires: jugements, appels d’offres, bilans, bases de données publiques, registres d’entreprises, réponses aux demandes d’accès. On note les limites: un PDF scanné n’est pas une preuve absolue, une base incomplète n’autorise pas une conclusion définitive. Cinquième étape: les traces techniques. Sur les images, on repère artefacts de compression, incohérences d’ombres, duplications de pixels; sur l’audio, on traque les coupes, les bruits d’ambiance discontinus. On compare les lieux via Street View et photos de repérage, on mesure des angles, on calcule des distances, on vérifie la ligne d’horizon.
Sixième étape: l’écriture transparente. Le dernier paragraphe rend compte des limites: ce que nous savons, ce que nous ne savons pas, et pourquoi. On cite les sources avec précision, on distingue ce qui est confirmé, contesté, en cours. On mentionne les corrections si de nouveaux éléments surviennent. La force d’une vérification tient moins à la pose d’autorité qu’à la méthode exposée. Dans un climat de défiance, la clarté procédurale devient un service public: elle permet au lecteur de répliquer le raisonnement et, le cas échéant, de contribuer à l’améliorer par de nouvelles pièces.